L’ancien président de l’Assemblée nationale et candidat déclaré à la présidentielle de 2020 est poursuivi pour « présomption grave de tentative d’atteinte contre l’autorité de l’Etat et l’intégrité du territoire national, recel de détournement de deniers publics et de blanchiment de capitaux portant sur la somme de 1,5 milliards de F CFA ».
L’annonce est du procureur de la République, Richard-Christophe Adou. La justice ivoirienne a enregistré deux plaintes contre Guillaume Soro, proches et alliés. Le 20 décembre, le procureur a été saisi d’une plainte formulée par l’agence judiciaire du trésor contre Cissé Mory, Koné Kamarate Souleymane, Nguessan René et Guillaume Soro pour « détournement de deniers publics, recel de détournement de deniers publics et de blanchiment portant sur la somme de 1,5 milliards de F CFA ». Le 23 décembre, c’était au tour de la direction de la surveillance du territoire (DST) de sonner l’alerte sur la base « d’éléments sonores établissant que le projet d’attentat devait être mis en œuvre incessamment», requérant des poursuites contre Guillaume Soro pour « présomption grave de tentative d’atteinte contre l’autorité de l’Etat et l’intégrité du territoire national ». Le procureur a expliqué que les faits évoqués dans les deux plaintes sont prévus et punis par la loi. Les articles 28, 32, 162 et 170 du code pénal, les articles 33, 34, 60, 63 et 65 de l’ordonnance n°2013/660 du 20 septembre 2013 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption et les infractions assimilées. Les articles 7, 99, 113, 117 et 118 de la loi n°2016/992 du 14 novembre 2016 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Un mandat d’arrêt international est requis contre Guillaume Soro pour « présomption grave de tentative d’atteinte contre l’autorité de l’Etat et l’intégrité du territoire national, recel de détournement de deniers publics et de blanchiment de capitaux portant sur la somme de 1,5 milliards de F CFA ». Les autres mis en cause objet d’un mandat de dépôt pour « détournement de deniers publics, recel de détournement de deniers publics et de blanchiment de capitaux portant sur la somme de 1,5 milliards de F CFA », ont été interpellés lundi dans après-midi.
Par ailleurs, « quinze personnes dont le député Alain Lobognon ont été arrêtés », lundi par les forces de l’ordre, « mais pour des dossiers complètement différents », a précisé le procureur.
Retour au bercail
Après un séjour de six mois à l’étranger, pendant lequel il a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 2020, Guillaume Soro était attendu à Abidjan ce 23 décembre par de nombreux sympathisants. La programmation de ce retour a été décalée du 22 au 23 en raison de la visite officielle en terre ivoirienne du président français Emmanuel Macron. « Le comité d’organisation a décidé du report du retour de M. Soro du 22 au 23 décembre (…) La préfecture de police a relevé la focalisation et la mobilisation des services officiels de l’Etat sur cette visite officielle du chef de l’Etat français », précisait un communiqué du député Alain Lobognon, membre du mouvement Générations et peuples solidaires (GPS) et proche de Guillaume Soro.
À la grande surprise des militants du GPS, les forces de l’ordre ont été déployées en grand nombre avec du matériel antiémeute pour empêcher tout accès au terminal de l’aéroport où le jet privé de Guillaume Soro devait atterrir. Des tirs de gaz lacrymogènes sur les militants par des policiers et gendarmes au siège du parti GPS, sis à la commune de Cocody, indiquent un changement d’agenda. Après plusieurs heures de confusion sur l’arrivée du candidat du GPS, Alain Lobognon a finalement annoncé que son avion avait atterri à Accra, au Ghana, lors d’une conférence de presse improvisée et interrompue par une intervention musclée des forces de l’ordre. Selon son parti, Guillaume Soro a été « empêché » d’atterrir à Abidjan. Une version que démentent formellement les autorités à coups de communiqués officiels.
Un plan de vol détourné
Plusieurs indices poussent à croire à une mise en scène de la part des deux amis d’hier, Alassane Ouattara et Guillaume Soro, que l’approche de l’élection présidentielle sépare davantage depuis que l’ancien président de l’Assemblée nationale a refusé de rejoindre début d’année la coalition Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). « Monsieur Kigbafori Soro a, de son propre chef, par l’intermédiaire de Monsieur Amer Mouja, représentant l’agence Trip support Services, demandé que l’avion le transportant qui survolait le Burkina Faso, soit dérouté vers Accra », martèle un communiqué du directeur général de l’Autorité nationale de l’aviation civile. Une position confirmée par un télégramme signé du colonel Diarassouba, chef d’état-major particulier du président de la République, qui signifiait « l’autorisation de survol du territoire Ivoirien et d’atterrissage à l’aéroport Félix Houphouët Boigny, accordée un appareil de nationalité allemande », transportant Guillaume Kigbafori Soro et sa délégation. Ayant décollé à 9H GMT, l’avion qui avait pour itinéraire : Paris-Le Bourget/Abidjan/Zurich, s’est finalement posé à Accra à 14 heures et 16 minutes.