Le contrat qui avait été signé avec la France en 2016 prévoyait la livraison à l’Australie, par Naval Group, de douze sous-marins conventionnels, à propulsion diesel-électrique. Mais le Premier ministre australien Scott Morrison a brutalement décidé de changer de stratégie : l’Australie va désormais opter pour des sous-marins nucléaires. La rupture du contrat français a vu la naissance d’une nouvelle alliance de sécurité entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie dans la zone indopacifique face à la Chine. Canberra recevra au moins huit sous-marins à propulsion nucléaire à la pointe de la technologie. « Ce n’est pas un changement d’avis, c’est un changement de besoin », a déclaré Scott Morrison pour justifier cette décision. Une décision que ne digèrent ni la France ni la Chine.
En France, l’annonce a provoqué une vive réaction dans les rangs de l’exécutif. « La France a reçu un coup dans le dos de la part de l’Australie », a lâché Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, ajoutant que « Canberra a trahi la relation de confiance avec Paris ». La ministre des Armées, Florence Parly, a fait part de son « énorme déception » et dénoncé la « remise en cause de la parole donnée ». La Chine a rapidement réagi par la voix de son porte-parole de la diplomatie, Zhao Lijian : « Cette coopération entre l’Australie, les Etats-Unis et Londres en matière de sous-marins nucléaires sape gravement la paix et la stabilité régionales, intensifie la course aux armements et compromet les efforts internationaux de non-prolifération nucléaire ».
La Chine se sent particulièrement visée. La zone indopacifique est en effet devenue un lieu d’affrontement indirect entre Pékin, qui cherche à y étendre sa zone d’influence, et Washington qui cherche à la contenir. Ce vaste espace, qui s’étend des côtes est-africaines aux côtes ouest-américaines, est hautement stratégique d’un point de vue militaire mais aussi économique : il pourrait contribuer à environ 60 % du PIB mondial d’ici 2030. Accusés par la France de lui avoir donné un « coup dans le dos » en torpillant le « contrat du siècle » de sous-marins français à l’Australie, les Etats-Unis ont tenté d’éviter une crise ouverte avec Paris, sans réussir à apaiser sa colère. « La France est un partenaire vital dans la région indopacifique et dans beaucoup d’autres domaines », a déclaré Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine. « C’était le cas depuis longtemps, et ce sera le cas à l’avenir », a-t-il assuré.
Passé l’heure de la stupéfaction et l’entrée de l’Australie dans le club très fermé des puissances disposant de sous-marins à propulsion nucléaire, vient celle de faire les comptes. Les pénalités à verser à Naval Group sont estimées par la presse australienne à environ 250 millions d’euros. Mais l’autre gros point d’interrogation, c’est le montant à verser pour l’acquisition de ces huit nouveaux sous-marins à propulsion nucléaire. Jean-Yves Le Drian a prévenu que la France allait exiger des « clarifications » à l’Australie après la rupture du contrat. « Ce n’est pas fini […] nous avons des contrats, il va falloir que les Australiens nous disent comment ils s’en sortent », a-t-il indiqué.