Le juge Edson Fachin a pris cette décision à l’effet d’une bombe en arguant que le tribunal de Curitiba (Sud) qui avait condamné Luiz Inacio Lula da Silva dans quatre procès n’était « pas compétent » pour juger ces affaires. Elles seront désormais jugées par un tribunal fédéral de Brasilia. En attendant ces jugements, l’ex-président de gauche entre 2003 et 2010, est rétabli dans ses droits politiques. Lula, 75 ans, avait déjà purgé un an et demi de prison pour corruption, d’avril 2018 à novembre 2019, avant d’être libéré sur décision collégiale de la Cour suprême mais interdit d’élection. Au moment de son incarcération, l’ancien chef de l’Etat était donné favori des sondages pour la présidentielle d’octobre 2018.
Deux ans et demi plus tard, dans un sondage récent, Lula apparaît comme le seul capable de battre le président Jair Bolsonaro au prochain scrutin, en 2022 : 50% des personnes interrogées se disaient prêts à voter pour lui, contre 44% pour le président actuel. « Lula innocent », a réagi sobrement sur Twitter le Parti des Travailleurs (PT), formation de gauche cofondée en 1980 par Lula, qui pour sa part restait silencieux. La Bourse de Sao Paulo a chuté de plus de 4 % peu après l’annonce de la décision du juge qui fait grincer des dents dans les milieux d’affaires.
Le juge Fachin a « toujours eu un lien fort avec le PT », a dénoncé le président Jair Bolsonaro sur CNN Brasil. « Nous avons tous été surpris par cette décision, mais en fin de compte, le brigandage de ce gouvernement de gauche est bien clair pour toute la société », a-t-il ajouté. Plusieurs alliés du président Jair Bolsonaro ont critiqué l’annulation des condamnations de Lula, jugée « révoltante » par le député de droite Bibo Nunes, du Parti Social Libéral (PSL). « Lula candidat ! Le Brésil a succombé, on va devoir supporter l’euphorie des antifas et des communistes », a écrit pour sa part sur Twitter Coronel Tadeu, un autre parlementaire de la même formation.
La décision de la Cour suprême a en revanche été saluée par le président argentin péroniste de gauche Alberto Fernandez. « Justice a été rendue ! », s’est-il exclamé sur Twitter. Les dirigeants du PT ont préféré rester prudents, craignant de nouveaux rebondissements dans le feuilleton judiciaire autour de Lula qui tient les Brésiliens en haleine depuis des années. « Nous attendons l’analyse juridique de la décision du juge Fachin, qui a reconnu avec cinq ans de retard que Sergio Moro n’aurait jamais dû juger Lula », a déclaré sur Twitter Gleisi Hofman, la présidente du PT. Elle fait allusion au juge Moro, figure de proue de la lutte anticorruption au Brésil, dont la condamnation en première instance de Lula en juillet 2017 a été le principal fait d’armes. Il était devenu par la suite ministre de la Justice de Jair Bolsonaro, avant de démissionner avec fracas en avril 2020. Lula da Silva avait notamment été accusé de recevoir des pots-de-vin pour favoriser des entreprises du bâtiment dans l’octroi de marchés publics, notamment liés à la compagnie pétrolière d’Etat Petrobras.