Climat politique au lendemain des élections législatives, son avenir politique, la situation de son prédécesseur Thomas Boni Yayi en exil, la santé des relations avec le grand voisin du Nigeria, et la sortie du franc CFA sont les sujets évoqués le 7 novembre 2019 face aux journalistes de Radio France Internationale et de France 24.
Au moment où les projecteurs sont de moins en moins braqués sur son pays, le président Patrice Talon sort de sa réserve pour évaluer le chemin parcouru depuis les élections législatives, jusqu’au grand dialogue d’octobre 2019. En sa qualité de chef d’État membre de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), il a signifié que la sortie du franc CFA est beaucoup plus un problème psychologique et non « technique ».
Autour des élections législatives
Après les grandes tendances données par la Commission électorale nationale autonome (Cena), la Cour constitutionnelle du Bénin a proclamé les résultats officiels dans un contexte marqué par d’échauffourées à Cotonou et de dénonciations d’un scrutin sans les partis d’opposition. De nombreux Béninois attendaient que la Cour constitutionnelle, « en sa qualité de juge souverain de la validité des élections législatives », annule le scrutin du 28 avril 2019 marqué par une abstention record. Celle-ci a proclamé les résultats définitifs le 2 mai, avec pour conséquence un regain de violences. Le quartier Cadjehoun où réside l’ancien président Thomas Boni Yayi n’a pas été épargné. Les violences ont provoqué la mort de quatre personnes. Sacca Lafia, le ministre de l’Intérieur, a reconnu que les policiers avaient tiré à balles réelles par « nécessité ». Une version que le président Patrice Talon a confirmé aux journalistes français. Il a souligné en passant que les difficultés rencontrées par certains partis de l’opposition pour la validation de leurs dossiers de candidature par la Cena, étaient liées aux récentes réformes du code électoral et à la charte des partis politiques adoptées avant son arrivée au pouvoir.
L’apaisement par le dialogue politique
Réunissant huit partis dont les Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE) de Boni Yayi, il a produit 18 recommandations que le président Patrice Talon a pris l’engagement de respecter. Des élections générales anticipées en 2020 ou 2021 précédées du toilettage de la charte des partis politiques et du Code électoral ; la libération de certains prisonniers impliqués dans la crise électorale, l’abandon des poursuites contre certaines personnalités, sont entre autres les principales recommandations issues du dialogue politique national.
Le cas de son prédécesseur Thomas Boni Yayi
Officiellement pour des raisons de santé, l’ancien président du Bénin, a quitté son pays le 21 juin 2019, après deux mois de crise politique et de siège des forces de police autour de son domicile. La nouvelle avait été rendue publique par le porte-parole de son parti FCBE. Patrice Talon souhaite désormais voir son prédécesseur Boni Yayi rentrer à Cotonou, car, après la loi d’amnistie promulguée le 7 novembre, l’ex-président « n’a plus rien à craindre concernant l’interpellation d’un juge ». « J’ai beaucoup regretté l’implication de Boni Yayi dans ce qui s’est passé », affirme Patrice Talon. Par contre pour les autres opposants en exil, le président affirme que « ceux qui dérapent doivent répondre de leur dérapage », car « avoir été candidat à l’élection présidentielle ne met pas à l’abri de ses fautes ».
Sur son avenir personnel et la fermeture de la frontière par le Nigeria
Le suspense sur la candidature de Patrice Talon lors de la présidentielle de 2021 pour un second mandat reste entier. Tout dépendra de trois conditions : sa disposition personnelle, l’environnement politique et le calendrier de la mise en œuvre de ses réformes.
Il dit avoir évoqué la question de la frontière avec le Nigeria à plusieurs reprises avec son homologue Buhari. « Il y aura une solution bientôt qui va satisfaire les intérêts de nos pays », a-t-il promis.
Sur la sortie du franc CFA
Sans donner de précision sur le calendrier, il affirme que : « la banque centrale des pays d’Afrique de l’UEMOA va gérer la totalité des réserves de devises et va les répartir auprès de diverses banques centrales partenaires dans le monde ». Il affirme que cette réforme est approuvée par tous les chefs d’État de l’UEMOA et par Emmanuel Macron lui-même. « Très rapidement, les pays membres de la BCEAO ne garderont plus de réserves de change auprès du Trésor français ».
Début octobre, le ministre français des finances, Bruno Le Maire, avait déclaré que la France était ouverte à une « réforme ambitieuse » du franc CFA. Il avait dit attendre que les 15 pays qui partagent cette devise attachée à l’euro « décident ce qu’ils souhaitent », à un moment où l’Afrique de l’Ouest envisage de créer sa propre monnaie unique.
par la France, la valeur du franc CFA est aujourd’hui indexée sur l’euro, ce qui maintient les économies africaines dans la dépendance de la politique monétaire européenne, une situation régulièrement taxée de « néocolonialisme » par ses détracteurs.
Le ministre béninois des finances, Romuald Wadagni, avait déjà été le seul représentant africain à prendre la parole lors de la conférence de presse après la réunion au nom des pays de la zone UEMOA, qui comprend le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.
« Nous travaillons la main dans la main avec la France », avait-il affirmé, tout en rappelant que les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), dont le Ghana, se sont mis d’accord pour l’adoption à l’horizon 2020 d’une monnaie unique, l’éco, qui sonnerait le glas du franc CFA dans cette région.