« C’est celui qui le dit qui l’est ! » C’est par cette sortie enfantine que le président russe, Vladimir Poutine, a répondu le 18 mars à son homologue américain Joe Biden, qui l’avait traité la veille de « tueur ». « Ce n’est pas juste une expression enfantine, une blague, nous voyons toujours en l’autre nos propres caractéristiques », a lâché le président russe lors d’une visioconférence retransmise par la télévision russe. « Nous défendrons nos propres intérêts et nous travaillerons avec les Américains aux conditions qui nous seront avantageuses », a ensuite rajouté Vladimir Poutine. La veille, Moscou a annoncé avoir rappelé son ambassadeur aux Etats-Unis pour consultations, tout en assurant vouloir éviter la « dégradation irréversible » des relations, avec ce pays, qui se trouvent « dans un état difficile » depuis des années.
Le président russe a proposé à son homologue américain « une discussion » dans les jours qui viennent. « Je voudrais proposer au président Biden de poursuivre notre discussion mais à condition que nous le fassions en direct, en ligne comme on dit », a déclaré Vladimir Poutine à la télévision russe, ajoutant que cette discussion « serait intéressant pour le peuple russe et le peuple américain ». Alors que les puissances annonçaient vouloir coopérer sur les dossiers d’intérêt commun, au lendemain de l’investiture de Joe Biden, cette passe d’armes verbale pourrait précipiter leurs relations dans une nouvelle spirale de tensions.
Le 17 mars, à la question « pensez-vous que Vladimir Poutine est un tueur ? » posée par un journaliste de la chaîne américaine ABC, Joe Biden avait répondu « oui, je le pense ». Le président américain avait aussi dit vouloir faire « payer » au maître du Kremlin son ingérence dans les élections américaines de 2016 et 2020. Ces déclarations intervenaient alors qu’un nouveau rapport des services de renseignement américain, publié le 16 mars, accuse Moscou d’avoir tenté d’intervenir sur l’issue du scrutin présidentiel de 2020. Vladimir Poutine « en paiera les conséquences », avait prévenu Joe Biden, avant de répéter, après une relance du journaliste qui l’interrogeait, « Vous verrez bientôt le prix qu’il va payer ». Selon l’ambassade russe à Washington, les « déclarations irréfléchies de responsables américains risquent d’entraîner l’effondrement de relations déjà excessivement conflictuelles ».
A Washington, Jen Psaki, la porte-parole de la Maison Blanche a indiqué que Joe Biden ne regrettait pas ses propos. Toutefois, elle a esquivé une question sur la demande de Vladimir Poutine pour un nouvel entretien dans l’immédiat. « Le président a déjà eu un entretien avec le président Poutine, alors qu’il y a d’autres dirigeants mondiaux avec lesquels il n’a pas encore échangé », a-t-elle tranché. De toute évidence, les Etats-Unis s’apprêtent à imposer un nouveau train de sanctions contre la Russie.
Selon une politologue, Joe Biden subirait une triple pression pour agir contre la Russie. D’abord, celle des agences de renseignement et celle d’une partie des Républicains, dont le sénateur texan Ted Cruz, partisans de la manière forte contre Moscou. « Quelques Républicains veulent faire pression pour éviter l’achèvement du gazoduc NordStream 2, entre la Russie et l’Allemagne », détaille-t-elle. La troisième pression vient des Démocrates, plutôt favorables à Bill Clinton, partisans d’un discours plus dur avec la Russie. Joe Biden président semble en fait renouer avec ce qu’il avait connu comme vice-président, sur la fin des années Obama.