Alexeï Navalny, 44 ans, savait en arrivant à Moscou qu’il risquait d’être aussitôt arrêté. Les services pénitentiaires russes avaient fait connaître leur intention de le faire dès le mois dernier. L’opposant n’a pas renoncé pour autant à revenir dans son pays : « Toutes les affaires pénales qui me visent sont des affaires montées de toutes pièces. La vérité, et la justice, sont de mon côté. Je n’ai peur de rien et je vous appelle à ne pas avoir peur ». Le scénario catastrophe commence lorsque le commandant du vol transportant la bête noire de Vladimir Poutine en Russie, annonce que l’avion n’atterrirait pas comme prévu à Vnoukovo mais à un autre aéroport de la capitale russe, Sheremetyevo. Trente jours de détention ont été requis contre l’opposant par le parquet à l’issue d’une audience pour le moins surréaliste. Elle s’est tenue dans un commissariat de la banlieue de Moscou où est détenu l’opposant depuis son retour en terre russe.
Un tribunal totalement improvisé, objet de vives critiques sur les réseaux sociaux. Chaises et tables poussées contre les murs, déplacement d’un juge en dehors de son tribunal de Khimki pour se prononcer sur le cas d’Alexeï Navalny. « Du jamais vu depuis le début de ma carrière en Russie, il y a 20 ans ! », s’est indigné un avocat de l’opposant. Alexeï Navalny va rester en détention jusqu’à ce qu’une décision plus lourde de conséquences soit prise par la justice de son pays. Celle-ci pourrait, en effet, décider de transformer en peine de prison ferme, une peine avec sursis qui avait été prononcée contre lui il y a plus de 5 ans. Motif invoqué : se trouvant en Allemagne, Alexeï Navalny ne s’est pas rendu à plusieurs convocations en fin d’année 2020.
L’affaire est montée de toutes pièces aux yeux de ses partisans, qui voient la volonté du Kremlin d’écarter leur champion de la scène politique à l’approche des élections législatives. Pour sa part, Alexeï Navalny a demandé à ses concitoyens de descendre dans la rue pour dénoncer une parodie de justice. « N’ayez peur de rien, descendez dans la rue », a-t-il lancé, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Une première grande manifestation pourrait être organisée dès la fin de la semaine. Un véritable test décisif pour la suite du bras de fer entre l’opposant et le Kremlin. Pour le moment, le sort de l’opposant préoccupe les grandes capitales.
Le ministère des Affaires étrangères britannique s’est dit « profondément préoccupé » par l’arrestation d’Alexeï Navalny à son retour en Russie, plusieurs mois après son empoisonnement présumé. De son côté, Berlin a demandé la « libération immédiate » de l’opposant. Le président du Conseil européen Charles Michel a jugé « inacceptable » l’interpellation d’Alexeï Navalny, exigeant sa libération « immédiate ». La Lituanie a appelé à adopter de nouvelles sanctions contre Moscou et la Pologne à une « réponse rapide et sans équivoque au niveau de l’UE ». La France a pour sa part indiqué avoir appris l’information « avec une très forte préoccupation», appelant «à sa libération immédiate ». Le futur conseiller à la sécurité nationale du président élu américain Joe Biden, Jake Sullivan, a également appelé à la libération de l’opposant et à « tenir responsable » les auteurs de son empoisonnement en août. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova a rétorqué via Facebook, demandant aux responsables étrangers de « respecter le droit international » et de « se mêler de leurs propres problèmes ».