Le décret d’extradition du frère cadet de Blaise Compaoré, chassé par la rue après vingt-sept ans au pouvoir fin octobre 2014, a été signé par le Premier ministre Edouard Philippe.
« Nous demandons de nous clarifier et surtout de nous rassurer quant à l’effectivité de l’extradition de François Compaoré, un des derniers verrous à faire sauter pour faire des bonds en avant dans l’examen de ce dossier qui n’a que tant duré », piaffait d’impatience le président du collectif en lutte contre l’impunité, Chrisogone Zougmorré. Fin 2017, le président français Emmanuel Macron avait déclaré à Ouagadougou qu’il ferait « tout pour faciliter » cette extradition. Aujourd’hui cette extradition est actée. Le dossier Norbert Zongo, classé en 2003 après un « non-lieu » en faveur du seul inculpé, François Compaoré, et rouvert à la faveur de la chute de son frère, Blaise Compaoré, connaîtra assurément de nouveaux développements.
François Compaoré avait été arrêté à l’aéroport de Roissy en octobre 2017 en exécution d’un mandat d’arrêt émis par les autorités de Ouagadougou. Mais à ce jour, il n’est pas inculpé dans son pays, à la différence de trois ex-soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré.
Un recours est envisageable
Si Me Pierre-Olivier Sur, avocat de François Compaoré, a refusé de faire tout commentaire après l’annonce du décret d’extradition de son client, l’introduction d’un recours devant le Conseil d’Etat n’est pas à exclure.
La plus haute juridiction administrative française, a pour rôle de vérifier que le décret est conforme au droit français et à la convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil d’Etat peut ainsi décider de l’annuler, par exemple, si la personne visée risque la peine de mort. L’abolition de la peine capitale en mai 2018 au Burkina avait été interprétée par certains comme une mesure préemptive pour éviter cet écueil. Le Conseil d’Etat peut aussi annuler le décret d’extradition s’il estime que la demande est basée sur une motivation politique. Cette dernière éventualité pourrait constituer le principal argument de Me Pierre-Olivier Sur.
Les circonstances du décès de Norbert Zongo
Le journaliste d’investigation et directeur de l’hebdomadaire, L’Indépendant, Norbert Zongo avait été assassiné le 13 décembre 1998 alors qu’il enquêtait sur le meurtre de David Ouedraogo, chauffeur de François Compaoré. Sa mort avait provoqué une profonde crise politique au « pays des hommes intègres ».
Le journaliste et les trois personnes qui l’accompagnaient ont été assassinés à une centaine de kilomètres au sud de Ouagadougou. Les quatre dépouilles avaient été retrouvées calcinées. Cela fait donc presque vingt-deux ans que les membres du collectif en lutte contre l’impunité attendent voir François Compaoré être jugé au Burkina Faso. « La justice burkinabè a prouvé ses capacités à juger cette affaire avec impartialité », assure Abdoulaye Diallo, du centre national de presse Norbert Zongo.