« Dans le cadre de la mise en œuvre des nouvelles réformes fiscales et budgétaires, notamment celles relatives à la prise en compte des contribuables actifs dans la chaîne de la dépense publique, le ministre des Finances (…) porte à la connaissance du grand public que pour compter de l’exercice budgétaire 2021, la qualité de “contribuable actif” sera indispensable pour engager les opérations financières avec l’administration camerounaise ». Telle est la teneur d’un communiqué signé le 11 janvier 2021 par le ministre des Finances, Louis Paul Motaze.
Selon les clarifications apportées par un haut cadre de la direction générale des impôts, ce communiqué du ministre des Finances signifie simplement que les fournisseurs et autres prestataires de l’État ne seront désormais payés que s’ils montrent patte blanche envers l’administration fiscale. Autrement dit, aucune prestation offerte à l’État du Cameroun ne sera plus payée tant que le prestataire ne sera pas à jour du paiement de ses impôts.
Grâce à cette mesure, le Cameroun ajoute ainsi une nouvelle perle au long chapelet des mesures prises ces dernières années, pour non seulement élargir l’assiette fiscale, mais aussi accroître et surtout sécuriser les recettes.
À la faveur de ces réformes, les recettes non pétrolières, principale composante des recettes publiques au Cameroun, ont plus que doublé au cours de la décennie 2009-2019, passant de 855,7 milliards FCFA à 1 944,4 milliards FCFA, soit une progression de 127,2% en valeur relative et 1 088,7 milliards FCFA en termes absolus.
Cette progression constante des recettes, si elle satisfait le gouvernement dont les besoins sont sans cesse croissants, n’est cependant pas du goût des opérateurs économiques, qui n’ont de cesse de dénoncer la pression, voire un « harcèlement fiscal » de la part du fisc. « Notre système fiscal est confiscatoire », aime à dire Célestin Tawamba, le président du Gicam, le regroupement patronal le plus puissant du pays.
Le pays souhaite assainir le climat des affaires
Dans la même lancée, l’on parle de la consécration de l’enregistrement gratis des conventions de rachat et de titrisation de la dette publique intérieure; la clarification du régime d’enregistrement des conventions assimilées aux cessions de fonds de commerce ; la dispense du timbre gradué des conventions de concours financiers au profit des collectivités territoriales décentralisées; la suppression de la taxe à l’essieu au profit des transporteurs; la substitution de la carte de contribuable par l’attestation d’immatriculation et la consécration de sa durée illimitée, etc.
En plus de ces mesures envisagées pour l’année 2021, celles prises en urgence au cours de cette année en riposte à l’impact socioéconomique de la pandémie du coronavirus sont reconduites presque intégralement. Il en est ainsi de la reconduction de la transaction spéciale prévue par la loi de finances 2020 dans l’optique d’aider les entreprises fortement affectées par la crise sanitaire à se libérer de leurs dettes fiscales.
Le gouvernement se lance dans la guerre économique
« Consécration et promotion du ’’local content’’, promotion des champions nationaux et de la préférence nationale ». Le plaidoyer porté par le patronat semble produire des effets. La loi de finances 2021 devrait marquer une rupture ou à tout le moins un tournant dans ce sens. Au ministère des Finances (Minfi), on parle de « changement de paradigme » en mettant le curseur sur l’import-substitution. Au niveau du soutien à la trésorerie des entreprises par exemple, le projet de loi de finances relève le plafond des avals et garanties accordées par l’Etat de 40 à 200 milliards de FCFA. Le plus important sans doute est que le bénéfice de cette mesure est non seulement élargi au secteur privé et exclusivement pour les emprunts intérieurs. Ceci a pour but « d’aider les entreprises à accéder à la liquidité à des taux d’intérêts compétitifs leur permettant de relancer leurs activités », explique-t-on au Minfi.
Dans le cadre de l’évaluation de l’impact socioéconomique du coronavirus au Cameroun (phase 1), l’Institut national de la statistique (INS) révèle qu’en ce qui concerne l’emploi, 55% d’entreprises ont revu les effectifs employés à la baisse entre avril et mai 2020. Cette baisse concerne 59% des PME du secteur moderne et est plus prononcée dans les branches éducation (92%), hébergement (hôtellerie) et restauration (71%), extraction (76%) et sylviculture (73%).