Dans une lettre adressée à ses clients le 12 juillet 2020, le concessionnaire du service public de l’électricité au Cameroun, annonce que l’entreprise rebascule sur la relève systématique dans les agences où l’estimation était expérimentée. Cette décision fait suite aux sorties officielles de l’Agence de régulation de l’électricité et du Ministre de tutelle, le MINEE en ce qui concerne les plaintes venues des clients ces derniers jours.
Dans le même temps, Eneo annonce qu’il va tester « la relève confiance », qui consiste à faire relever l’index de la consommation par le client lui-même, qui le transmettra ensuite à l’entreprise par des canaux précis. Tel est l’épilogue d’un feuilleton débuté au mois de mai 2020, date à laquelle l’entreprise en charge de la production et de la distribution de l’électricité dans le pays, a décidé de changer de méthode d’évaluation des consommations des clients. La nouvelle méthode, qui a fait l’objet d’une phase pilote en 2019, avant d’être étendue à 30% de ses clients des villes de Yaoundé et Douala à partir de mai 2020, consistait à ne plus relever les index des compteurs chaque mois, mais à une fréquence d’une fois tous les deux ou trois mois.
« Ainsi, en attendant sa prochaine relève, le client est toujours facturé mensuellement, sur la base d’une consommation estimée. Le principe de l’estimation est d’imputer au client une consommation plus ou moins égale à la moyenne de ses trois dernières consommations. En temps normal, la consommation du client sera sensiblement la même d’un mois à l’autre », avait expliqué Eneo.
La première charge contre cette nouvelle méthode a été sonnée par de nombreux clients, qui ne se reconnaissaient pas dans les factures à eux imputés. D’où les nombreuses réclamations adressées à l’entreprise dès le mois de juin 2020.
La seconde charge viendra de l’Agence de régulation du secteur de l’électricité (ARSEL), qui, dans une lettre datée du 11 juin 2020, somme Eneo de suspendre l’opération d’estimation des index des compteurs électriques. Selon l’ARSEL, cette méthode est simplement illégale, puisqu’étant une violation des dispositions règlementaires en matière de tarification des consommations d’électricité au Cameroun. Le 1er juillet 2020, c’est le ministre de l’Eau et de l’Énergie qui est monté au créneau. Dans une correspondance adressée au directeur général d’Eneo, Gaston Eloundou Essomba, qui redoute des « troubles à l’ordre public » suite au courroux des consommateurs, enjoint au distributeur de l’électricité de « suspendre sans délai la procédure d’estimation de la facturation » des clients.
Par ailleurs, comme le préconise le règlement de service de 2009, qui est un appendice au contrat de concession entre l’État du Cameroun et Eneo, ce membre du gouvernement exige de l’entreprise de production et de distribution de l’électricité le paiement de pénalités aux clients, au cas où leurs réclamations ne seraient pas traitées dans les délais.
Aux sources de la discorde
Dans une lettre datée du 11 juin 2020, le directeur général de l’Agence de régulation du secteur de l’électricité, Jean Pascal Nkou, ordonne au directeur général d’Eneo, le concessionnaire du service public de l’électricité au Cameroun, de suspendre l’opération d’estimation des index des compteurs électriques, lancée il y a quelques semaines dans les villes de Yaoundé et de Douala. Le directeur général de l’Arsel, qui révèle que ses équipes ont préalablement effectué des descentes sur le terrain au cours du mois de juin courant, affirme avoir fait les constats suivants : la non-relève des index des compteurs sur plusieurs sites ; la distribution aux consommateurs des factures du mois de mai 2020 confirmant la non-relève des index ; et surtout le basculement des consommations d’énergie électrique à des tranches supérieures (ou inférieures) au coût du kilowatt le plus élevé entre autres.
Le Covid19 et la volonté de l’Etat de mettre de l’ordre
« Par conséquent, je vous demande de suspendre cette opération d’estimation systématique des index au motif du Covid-19, et de procéder à la relève des index, en vue de corriger les factures servies aux consommateurs au cours du mois de mai 2020, mais également de procéder à la régularisation des factures… », a écrit le directeur général de l’Arsel.
En effet, apprend-on officiellement, après une phase pilote effectuée dans certains quartiers de la ville de Douala en 2019, Eneo, saisissant l’opportunité des mesures barrières liées à la lutte contre le Covid-19, a entrepris d’appliquer aux consommateurs de Douala et Yaoundé, un nouveau mécanisme de relève des index des compteurs. Celui-ci, explique l’entreprise, consiste à ne plus relever les index des compteurs chaque mois, mais plutôt à une fréquence d’une fois tous les deux ou trois mois.
« Ainsi, en attendant sa prochaine relève, le client est toujours facturé mensuellement, sur la base d’une consommation estimée. Le principe de l’estimation est d’imputer au client une consommation plus ou moins égale à la moyenne de ses trois dernières consommations. En temps normal, la consommation du client sera sensiblement la même d’un mois à l’autre », explique un cadre d’Eneo, qui précise que des dispositions sont prises pour corriger d’éventuelles erreurs.
Des Solutions alternatives en perspectives
En effet, souligne-t-on chez Eneo, « il peut arriver qu’un changement dans les habitudes de gestion de son électricité génère un écart à la baisse ou à la hausse sur la consommation réelle. Cet écart n’étant pas visible quand il est estimé, la situation s’équilibre au moment où le client sera à nouveau facturé avec l’index effectivement lu. En fonction de la nature de l’écart, l’on se retrouve avec une facture soit plus élevée, soit moins élevée que d’habitude. D’où l’impression de sous-facturation ou de surfacturation, selon le cas. Mais, l’équilibre est immédiatement rétabli dès que l’index est effectivement lu. »
Visiblement, toutes ces assurances n’ont pas suffi pour convaincre le régulateur. D’où la sommation faite à la compagnie d’électricité, qui n’a reçu aucune « autorisation préalable » de l’Arsel, de suspendre son opération d’estimation des consommations d’électricité. Ce d’autant que, croit savoir une source autorisée, cette estimation des consommations ne garantit pas la prise en compte, ni de la facturation de la tranche sociale, ni de celle susceptible d’être exonérée de la TVA.
Au demeurant, le directeur général de l’Arsel a convié les responsables d’Eneo à une séance de travail par visioconférence le 16 juin 2020, à l’effet d’explorer « des solutions alternatives », plus conformes à la réglementation et moins sujettes à des interrogations. À l’occasion, Eneo a pris acte des biais présentés par le régulateur et s’est engagée à améliorer ce système, expérimenté pour l’instant sur 30% des clients. Dans cette perspective, les échanges se poursuivent entre les parties.
En effet, les abonnés au réseau électrique au Cameroun, notamment ceux des villes de Yaoundé et Douala, ont constaté une différence (à la baisse ou à la hausse) sur leurs factures d’électricité depuis quelques jours. Il se pourrait que cela ne relève plus simplement d’une erreur de facturation, mais qu’il s’agisse du résultat de l’adoption par l’électricien Eneo, d’un nouveau mode de facturation des abonnés des deux principales villes camerounaises. Le Ministère de l’eau et de l’énergie et l’ARSEL se coordonnent ainsi afin que tout rentre dans l’ordre.