A la lumière des décrets présidentiels du 9 janvier 2020, la Société de recouvrement des créances du Cameroun dispose désormais des prérogatives de la puissance publique et du privilège du Trésor, d’un pouvoir de réquisition et d’investigation. Avec en prime, le recouvrement des créances issues des condamnations pécuniaires au profit de l’Etat, dans le cadre des actions en justice, tant au plan national qu’à l’étranger.
Initialement chargée du recouvrement, contre rémunération, des créances douteuses, litigieuses et/ou contentieuses détenues par les institutions financières publiques sur la demande ou approbation de l’autorité de tutelle, la Société de recouvrement des créances du Cameroun (SRC), au fil du temps a étendu ses activités à toutes opérations de recouvrement qui lui étaient confiées par les entreprises non financières du secteur public, soit par d’autres entreprises financières ou non des secteurs parapublics et privés. Pour permettre à la SRC d’exercer ses missions, l’Etat du Cameroun l’a dotée, par loi n° 93/012 du 22 décembre 1993, du privilège du Trésor qui lui permet de procéder au recouvrement forcé auprès des débiteurs récalcitrants et de mauvaise foi n’ayant pas réagi aux demandes de règlement amiables. Créée par décret présidentiel nº89/1283 du 18 août 1989, la SRC s’est illustrée dans le secteur bancaire, par la gestion de la liquidation de l’ex-SCB.
En réorganisant la SRC et en approuvant ses nouveaux statuts, le chef de l’Etat a, entre autres, élargi son champ d’actions. De nouvelles missions sont confiées à cette société à capital public, à caractère financier ayant l’Etat comme actionnaire unique. Selon l’article 4 du décret présidentiel, la « SRC assure pour le compte de l’Etat, contre rémunération, le recouvrement des créances, la liquidation des établissements financiers, la gestion du patrimoine, ainsi que l’appui-conseil ».
Les principales innovations
La SRC va désormais s’investir dans le recouvrement des créances qui lui sont confiées par des entreprises non financières du secteur public, des entreprises des secteurs parapublic et privé et éventuellement par des établissements de microfinance. A ce jour, l’entreprise s’occupe du recouvrement des créances pour 16 banques, d’un montant total de 850 milliards de F.
La SRC est chargée de liquider à l’amiable, tout établissement public de crédit à elle confié. Même mission pour le fonds de commerce de tout établissement financier que pourrait lui confier la Commission bancaire de l’Afrique centrale ou toute autre institution; la liquidation du patrimoine de tout établissement financier, confiée par les tribunaux et cours de justice; et enfin de la gestion du portefeuille des créances douteuses et/ou compromises des banques publiques ou privées en restructuration.
Pour mener à bien ces missions, la SRC dispose désormais, pour le recouvrement des créances, des prérogatives de la puissance publique et du privilège du Trésor, d’un pouvoir de réquisition et d’investigation. Dans ce cadre, elle peut faire recours à la force publique, accéder à toute base de données, aux immeubles, locaux et propriétés des débiteurs, entre autres. Ce qui a pour conséquence directe de protéger le personnel, porteur de contrainte, qui est souvent sujet aux menaces diverses, dans l’exercice de ses fonctions, mais aussi aux poursuites judiciaires.
Un point d’honneur à la lutte contre la corruption
Légaliste pur jus, le président Paul Biya a, entre la signature du décret et sa publication, pris le temps de s’arrimer aux normes de l’Union africaine en matière de lutte contre la corruption. Par le décret nº2020/166 du 01 avril 2020, le chef de l’Etat a ratifié la convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption adoptée à Maputo au Mozambique le 11 juillet 2003. Fort de cet important prérequis, la SRC est chargée de recouvrer les créances douteuses litigeuses et/ou contentieuses détenues par les administrations publiques, les institutions financières publiques et les institutions financières internationales. Elle est aussi responsable du recouvrement des créances issues des condamnations pécuniaires au profit de l’Etat, dans le cadre des actions en justice, tant au plan national qu’à l’étranger, en liaison avec le ministère en charge de la Justice.
Par ces options auxquelles ni le secret professionnel, ni le secret bancaire ne sont opposables, le président Paul Biya réaffirme sa volonté de promouvoir et renforcer la mise en place des mécanismes nécessaires pour prévenir, détecter, réprimer et éradiquer la corruption et les infractions assimilées dans les secteurs public et privé. Il marque surtout son accord pour promouvoir, faciliter et réglementer la coopération entre les Etats en vue de garantir l’efficacité des mesures et actions visant à prévenir, détecter, réprimer et éradiquer la corruption et les infractions assimilées en Afrique.
Marie-Rose Thérèse Odile Messi, Directeur général de la SRC
Sur ce qui change fondamentalement dans l’organisation et le fonctionnement de la SRC…
La SRC, à l’origine, a été créée pour la liquidation de la Société camerounaise des banques. Avec le temps et l’expérience, l’Etat s’est rendu compte que la SRC pouvait être l’instrument à son service dans la restructuration du système bancaire camerounais. Nous avons, au fil des ans, commencé à recevoir d’autres portefeuilles de banques en liquidation et de banques en restructuration. Le nouveau décret confère à la SRC des missions élargies au recouvrement des créances de toutes les administrations publiques, de toutes les entreprises publiques, de tous les établissements publics et de manière générale, des créances de l’Etat et de toutes ses excroissances. L’autre particularité de ces nouvelles missions est que la SRC sera compétente pour recouvrer les créances issues des condamnations pécuniaires en faveur de l’Etat par le Tribunal criminel spécial (TCS) et d’autres juridictions.
Sur l’incidence de la transformation des créances confiées à la SRC en créances souveraines de l’Etat…
Les créances souveraines sont des créances de l’Etat. Elles prennent rang après les créances d’impôts et de salaires. Et c’est cette qualification qui justifie les prérogatives de puissance publique accordées à la SRC, et notamment le renforcement du privilège du Trésor et de la protection accordée aux dirigeants et porteurs de contraintes. Cette innovation s’inscrit dans le cadre d’un vaste mouvement de réformes que le chef de l’Etat a initiées pour améliorer le recouvrement des créances bancaires au Cameroun en général. Le taux de créances sinistrées au Cameroun est de 16,5%. Le ratio normal qu’autorise la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC) est de 5%. La réorganisation de la SRC suit cette logique, au même titre que la promulgation d’une loi sur la pénalisation du non-remboursement de crédit bancaire. L’autre mesure phare est la création de tribunaux de commerce, compétents pour connaître des contentieux bancaires. Tous ces actes du chef de l’Etat ont pour objectif de protéger l’épargne des Camerounais. Chaque fois qu’une banque est mise en liquidation, ce sont les épargnants qui sont perdants. C’est la raison pour laquelle le président de la République veut mettre une fin à cette situation.
Sur la différence entre la SRC et la Caisse de dépôt et de consignation…
Le recouvrement n’est pas fait par cette structure, mais par la SRC. Ce que l’Etat va faire de la trésorerie dépend de lui. Nous sommes au-devant des opérations pour recouvrer alors que la Caisse de dépôt et de consignation se charge de recueillir les fonds.
Sur les pouvoirs de réquisition et d’investigation…
Les pouvoirs de réquisition et d’investigation sont rattachés à la nature de la créance. C’est-à-dire à la créance souveraine. Ce sont des prérogatives de puissance publique qui n’appartiennent qu’à l’Etat. Pour que nous puissions recouvrer efficacement ces créances de souveraineté, l’Etat nous dote des mêmes prérogatives que lui pour pouvoir mener à bien notre mission. Le pouvoir de réquisition s’assimile au pouvoir d’un officier de Police judiciaire et consiste pour la SRC à faire injonction à n’importe quel organisme pour qu’il nous fournisse des informations sur les débiteurs. Le pouvoir d’investigation nous donne la possibilité d’enquêter sur le patrimoine d’un débiteur.
Sur le recouvrement, au compte de l’Etat, des créances issues des condamnations pécuniaires prononcées par les tribunaux…
Nous allons prendre le temps de nous concerter avec les pouvoirs publics, le ministère de la Justice, le ministère des Finances pour savoir comment, de manière coordonnée, nous pouvons organiser et mener à bien cette mission. De notre concertation, découleront des procédures à adopter pour arriver à exercer cette mission qui relève d’un souci du président de la République de rendre plus efficace le recouvrement de ce type de créances.
Sur l’accompagnement des entreprises dans leurs actions de recouvrement…
Notre mission a été élargie au recouvrement des créances des administrations et des entreprises publiques. Nous assurons également pour leur compte, un rôle d’appui et de conseil en matière financière. Dans le dernier rapport de la Commission technique de réhabilitation, nous avons eu connaissance de l’état des créances en souffrance de l’ensemble des entreprises publiques et établissements publics. Ce portefeuille est très important et nous sommes dans une situation où la plupart des créances sont déjà sinistrées.
Sur la capacité du personnel à relever les nouveaux défis…
Nous sommes prêts depuis deux à trois ans. La SRC s’y est préparée, car dans notre mission d’accompagnement de l’Etat dans la restructuration du système bancaire camerounais, nous sommes en attente de portefeuilles sinistrés de banques en restructuration. Nous avons pris des dispositions nécessaires avec le Conseil d’administration et avons recruté de manière conséquente des personnels pouvant faire des recouvrements. Pour le reste, nous aurons certainement une réorganisation de l’organigramme de la SRC, de nos procédures internes et nous devrions à court ou moyen terme, ouvrir des représentations régionales, pour être plus présents et plus offensifs sur le terrain.