Le directeur de cabinet et principal allié politique du président Félix Tshisekedi doit s’expliquer sur l’utilisation de fonds publics destinés au financement des grands travaux lancés par le chef de l’Etat. Il a été placé en détention provisoire, mercredi 8 avril au soir, à la prison centrale de Kinshasa.
C’est la première fois dans l’histoire de la République démocratique du Congo (RDC) qu’un directeur de cabinet de la présidence est arrêté. Figure centrale de la vie politique congolaise, il a été placé sous « mandat d’arrêt provisoire » après avoir été entendu pendant plus de six heures par le parquet dans le cadre d’une enquête sur la mauvaise gestion présumée de fonds publics dédiés au programme des 100 jours du président Félix Tshisekedi. Nommé directeur de cabinet au lendemain de l’investiture du chef de l’Etat, le 24 janvier 2019, Vital Kamerhe, 61 ans, doit s’expliquer sur l’utilisation de fonds publics destinés au financement des grands travaux lancés par son allié politique. Il doit en particulier faire la lumière sur la passation des marchés et le décaissement des fonds.
La substance de l’enquête
Au cœur des investigations se trouve un vaste projet dénommé « sauts-de-mouton ». Il s’agit des ponts enjambant les carrefours et censés désengorger le trafic routier dans la capitale congolaise. Une enveloppe de 22,5 millions de dollars avait été allouée à leur construction, mais, à la mi-février, 46 millions de dollars avaient déjà été dépensés sans qu’aucun ouvrage ne soit sorti de terre. D’autant plus que le budget global avait initialement été fixé, en août dernier, à 304 millions de dollars. Et Vital Kamerhe s’est retrouvé en première ligne, car sa fonction de directeur de cabinet lui donne un droit de signature sur les contrats passés au nom de l’État. Ses tentatives de mise en liberté provisoire n’ont pas connu les faveurs des juges.
En prison au moins pour 15 jours encore
La demande de mise en liberté provisoire de Vital Kamerhe a été rejetée samedi 11 avril après-midi par le tribunal de paix de Kinshasa-Matete. L’accusation, qui a écroué Kamerhe depuis le 8 avril, a estimé que la mise en liberté de ce dernier serait de nature à «entraver» le déroulement de l’instruction. Le parquet a donc préféré poursuivre les auditions avant de confronter le chef du cabinet présidentiel aux dirigeants d’entreprises cités dans le dossier du programme des 100 jours du président Félix Tshisekedi.
Le programme des 100 jours
L’arrivée de Félix Tshisekedi aux affaires a fait atterrir sur le compte du Trésor des sommes impensables en un laps de temps, de janvier à mars. De grosses firmes telles Safricas, Malta Forrest ou encore Cfao se sont acquittées comme jamais de leurs obligations fiscales redonnant des airs au franc congolais (CDF). Des sommes mises à contribution pour financer l’ambitieux programme des 100 jours du nouveau président de la République. Un programme qui a transformé la RDC en un vaste chantier au niveau, des routes, des ponts, du secteur de l’eau et de l’énergie, de la santé, de la sécurité, de l’agriculture etc. Pour rendre le pays plus attractif, un point d’honneur a été mis sur la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption, et la diplomatie.
La position stratégique de Vital Kamerhe lui permettait de contrôler l’essentiel des procédures de passation des marchés. Une place pas véritablement conforme aux accords de Nairobi.
Les accords de Nairobi au Kenya
Après avoir fait sécession des accords de Bruxelles, Vital Kamerhe et Félix Tshisékédi ont signé un accord à Nairobi, pour la présidentielle du 23 décembre 2018. Principal point : Vital Kamerhe se désistait au profit de Félix Tshisekedi se garantissant ainsi en cas de victoire le poste de Premier ministre. Les deux hommes ont ainsi donné naissance à la plateforme appelée Cap pour le changement (CACH), présidée par Félix Tshisekedi qui devint son unique candidat.
En cas de victoire, il choisira Vital Kamerhe comme chef du gouvernement. Puis au bout de cinq ans, ils inverseront les rôles. Donc l’accord couvre une décennie, avec un mandat présidentiel et une primature pour chacun.
Aujourd’hui, les proches de Vital Kamerhe crient à l’acharnement contre leur leader, potentiel dauphin de Félix Tshisekedi à la présidentielle de 2023.
Un complot contre Kamerhe ?
« C’est étonnant, choquant et regrettable même. Mais, ce n’est pas grave. L’avenir nous réserve encore beaucoup de choses », estime Cele Yemba, le porte-parole de l’Union pour la nation congolaise (UNC), dont le président n’est autre que Vital Kamerhe. Pour lui, pas de doute. « A l’UNC, nous avons compris que le problème, c’est l’élection présidentielle de 2023. Le problème, c’est l’accord de Nairobi. Alors il faut le couler ». Il conclut par une assurance : « nous allons définir notre conduite à tenir incessamment ».
Pour un député de l’UNC, l’arrestation de Vital Kamerhe « est un coup dur, si ce n’est fatal pour la coalition CACH ». La coalition formée en novembre 2018 après l’accord de Nairobi entre Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, vit-elle ses derniers jours ?