Les importants changements intervenus cette semaine au sein du cabinet présidentiel, du gouvernement et de la haute-administration au Gabon, ont fait naitre des interrogations à propos des objectifs précis du chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba.
La semaine dernière à savoir du 10 novembre 2019, le Gabon a vécu des événements politiques intenses, comme il ne s’en produit que quelques-uns par décennie. Une razzia sinon une injection du sang neuf dans les hautes sphères politiques et administratives. On aurait tort cependant de faire du changement de directeur de cabinet de la présidence de la République cette semaine une simple lecture politicienne, celle d’une lutte intestine entre les différents clans au pouvoir.
Le changement de Directeur de cabinet, un temps fort
Le remplacement de l’inamovible Brice Laccruche Alihanga par Théophile Ogandaga s’analyse dans le cadre d’une volonté plus large du président Ali Bongo Ondimba de renforcer l’expérience, mais également, par endroits, l’expertise de ses proches collaborateurs comme de ceux qui sont au gouvernement ou à la tête des principales administrations ou agences publiques du pays. Pour succéder au fringuant Brice Laccruche Alihanga, 39 ans à peine, Ali Bongo Ondimba a choisi un homme d’expérience, un technocrate, sobre et discret, réputé pour sa maîtrise des dossiers, Théophile Ogandaga. A 59 ans, ce ressortissant de l’Ogooué-Maritime et du Moyen-Ogooué, ex-DG d’Olam Gabon depuis décembre 2018, le principal employeur privé du pays, « un Etat dans l’Etat », a passé une quinzaine d’années à Shell au Gabon, puis en expatriation aux Pays-Bas.
Les structures publiques touchées
C’est cette même double volonté, d’injecter de l’expérience et, partant, un surcroît d’expertise, qui a présidé au choix de François Ntombo Tsibah pour remplacer Christian Patrichi Tanasa à la tête de la Gabon Oil Company (GOC), la structure publique qui gère les participations de l’Etat dans le secteur pétrolier et gazier.
Idem pour le remplacement d’Ismaël Ondias Souna à la direction générale de la Société équatoriale des mines (SEM). Celui-ci a été remplacé par le géotechnicien David Ossibadjouo, un spécialiste reconnu du secteur des mines. Diplôme d’administration publique des mines à l’Université de Laval en France, ce dernier a été directeur général-adjoint de Nouvelle Gabon Mining (NGM) et conseiller chargé de la recherche et de l’exploitation minière au ministère des Mines. Le moment est crucial car un nouveau code est entré en vigueur, en 2017 pour les mines, en juillet 2019 pour les hydrocarbures et les investisseurs ont de nouveau pris la direction de Libreville.
Quant au choix de Séverin Anguilé pour remplacer Renaud Allogho Akoue à la tête de la CNAMGS, il s’est agi de trouver un niveau d’expertise au moins équivalent, les deux hommes ayant sensiblement le même âge et étant tous deux surdiplômés. Jusqu’alors directeur général de NSIA Assurances au Gabon, l’un des plus importants groupes du secteur en Afrique francophone, Séverin Anguilé, en tant qu’assureur, connait parfaitement les enjeux de protection sociale (santé et autres prestations) dont est précisément chargée l’institution qu’il dirige désormais.
Cette double volonté de privilégier l’expérience et l’expertise a également présidé aux différents réajustements ministériels le 7 novembre 2019. Hugues Mbadinga Madiya a récupéré le super maroquin des Infrastructures, Transports et Travaux publics dévolu jusque-là à Justin Ndoundangoye. A l’heure où le gouvernement a fait de la construction et de la réhabilitation des infrastructures de transport sa priorité, et où les chantiers doivent voir le jour sans creuser l’endettement du pays, donc en favorisant les financements innovants.
Dans la même veine, le fait de replacer les mines dans le giron du ministère des Hydrocarbures, piloté par l’expérimenté Noël Mboumba, en le retirant du giron du ministère de l’Energie et des Ressources hydrauliques, participent d’une volonté de rationalisation sectoriel du périmètre des différents ministères. C’est en effet la même stratégie qui prévaut dans le secteur minier et dans celui des hydrocarbures. Le Gabon entend renégocier avec les multinationales afin de tirer le meilleur parti des richesses de son sous-sol.
Le cas Laccruche Alihanga
Enfin, il faut relire le message diffusé par Brice Laccruche Alihanga, jeudi soir, suite à l’annonce de son départ de la direction du cabinet présidentiel et de son entrée au gouvernement. Celui-ci a indiqué vouloir continuer à servir « son président et son pays » au poste qui sera désormais le sien. Une formule d’usage, diront certains, sauf que ce poste, que certains médias, revanchards, se plaisent à dépeindre comme de second ordre, Laccruche Alihanga ne l’a pas boudé contrairement à d’autres dans un passé récent.