La procureure de Cour pénale internationale pédale, pédale pour démonter le jugement rendu en faveur de l’acquittement, le 15 janvier 2019, des deux responsables ivoiriens avides de rejoindre leur arène politique.
Fatou Bensouda aura attendu les ultimes minutes du délai, 16 septembre, pour notifier sa décision de faire appel contre l’acquittement de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. La procureure de la Cour pénale internationale (CPI), estime que «l’appel démontrera que la chambre de première instance de la CPI a commis des erreurs de droit et de procédure qui ont abouti à l’acquittement de M. Gbagbo et de M. Blé Goudé pour tous les chefs d’accusation». Elle dispose dès lors d’un délai de 30 jours, jusqu’au 16 octobre, pour motiver sa décision d’appel dans un mémoire, dont pourront prendre connaissance les avocats des accusés.
La procédure d’appel à la CPI
L’Accusation et la Défense ont toutes deux le droit d’interjeter appel du jugement de la Chambre de première instance (déclarant l’accusé coupable ou innocent). Les victimes et la personne déclarée coupable ont le droit de faire appel d’une ordonnance de réparation. L’appel est jugé par cinq juges de la Chambre d’appel, qui ne sont jamais les mêmes que ceux qui ont rendu le jugement de première instance. La Chambre d’appel décide de confirmer, modifier ou infirmer le jugement contesté. L’arrêt qu’elle rend constitue donc un jugement définitif, à moins qu’elle ne décide de renvoyer l’affaire devant la Chambre de première instance pour un nouveau procès.
Au lendemain du 15 janvier 2019
La décision d’acquittement le 15 janvier 2019 de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé était survenue après huit ans de procédure, l’audition de 82 témoins de l’accusation, 231 journées d’audience et des milliers de pièces versées au dossier, dont des documentaires et vidéos. Les deux responsables politiques étaient poursuivis pour des charges de crimes contre l’humanité (meurtres, viols, autres actes inhumains ou tentatives de meurtre et d’acte de persécution) qui auraient été commis lors des violences postélectorales en Côte d’Ivoire entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011.
Prenant acte de la décision de la chambre de première instance de la CPI, la procureure a veillé à ce que Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé se représentent devant la Cour si leur procès devait se poursuivre. C’est alors que Gbagbo se retrouve à Bruxelles alors que son « fils » Charles Blé Goudé reste à La Haye, tous deux sous liberté conditionnelle. Si l’acquittement du président de la Côte d’Ivoire entre 2000 et 2011 aujourd’hui âgé de 74 ans, encore très populaire dans son pays, avait rebattu les cartes sur la scène politique ivoirienne, la décision d’appel de la procureure pourrait en faire autant.
Agenda politique en Côte d’Ivoire
À Bruxelles, Laurent Gbagbo n’a jamais fait part d’un quelconque désir de se présenter à la présidentielle de 2020. Cette option hante pourtant plus d’un esprit en Côte d’Ivoire. Le 29 juillet, il a reçu Henri Konan Bédié, chef du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Placée sous le signe de la réconciliation nationale et le retour d’une paix définitive et durable en Côte d’Ivoire, cette rencontre préparait le terrain d’une probable coalition entre le PDCI et le Front populaire Ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo dans la perspective de la présidentielle de 2020.
Après l’annonce d’un nouvel épisode de son procès démarré le 28 janvier 2016, de grosses incertitudes planent sur l’avenir politique de Laurent Gbagbo. Le temps presse. Il pourrait ne pas avoir assez de temps pour s’aligner sur le départ pour la présidentielle.
Réactions après l’annonce de la procureure
Certains observateurs ont fini par croire que le démontage de son dossier par la majorité des juges de la CPI, allait la convaincre de se retirer de l’affaire. D’autres subodoraient qu’elle trouverait un autre dossier moins étriqué pour signer sa fin de carrière. Il n’en est rien. La réaction de la famille politique de Laurent Gbagbo ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué, le Secrétaire général du FPI, Dr. Assoa Adou déclare : « […] les observateurs attentifs qui ont suivi ce procès depuis 8 ans savent que depuis le début, la Procureur n’a jamais fait reposer sa démarche sur des principes de justice, mais sur de la politique. La preuve, depuis 8 ans, Mme Fatou Bensouda ne s’acharne que sur le Camp Gbagbo alors que toutes les victimes de Duekoué, Guiglo, Toulepleu, Bangolo et bien d’autres continuent de réclamer un procès pour leurs bourreaux sans que cela n’émeuve Mme Bensouda. Cela montre à suffisance qu’il s’agit plus d’une démarche politique que juridique visant à éloigner le Président Laurent Gbagbo de son pays.
Nous, nous sommes des politiques. Mme Bensouda ayant décidé d’assumer un rôle politique, nous allons donc nous employer à lui donner la réponse politique qui convient à cet acharnement […] ».