Avec le remaniement du 2 décembre, Ali Bongo Ondimba a sonné le glas du clan de son ex-tout-puissant directeur de cabinet.
Brice Laccruche n’aura eu que quelques semaines, entre le 7 novembre et le 2 décembre 2019, pour assurer le suivi de la stratégie des investissements humains et des objectifs de développement durable au sein du gouvernement gabonais. « Le chef de l’État a décidé d’agir vite », a précisé le Premier ministre Julien Nkoghe Bekale, lundi soir avant l’annonce de la composition de la nouvelle équipe gouvernementale.
La nouvelle équipe annoncée par Julien Nkoghe Bekale, témoigne à suffisance de la volonté du président Ali Bongo de faire toute la lumière sur le détournement massif de fonds publics et corruption, déjà à l’origine du remaniement du 7 novembre dernier. Le scandale né des 85 milliards « volatilisés » en deux ans au sein de Gabon Oil Company, a vu depuis cette date plusieurs hauts commis de l’État être placés, soit en détention préventive, soit sous mandat de dépôt à la prison centrale de Libreville. En chute libre depuis le 7 novembre, Brice Laccruche est tombé en disgrâce le 2 décembre. Dans sa descente aux enfers, le leader de l’Association des jeunes émergents volontaires (AJEV) entraîne plusieurs ministres. Il s’agit de Noël Mboumba désormais ex-ministre du Pétrole, Tony Ondo Mba qui était ministre de l’Énergie, Roger Owono Mba qui cumulait les ministères de l’Économie et des Finances et Jean-Fidèle Otandault ancien ministre du Budget et des Comptes publics.
Un clan aux abois
Plusieurs adhérents et sympathisants de l’AJEV créée par Brice Laccruche Alihanga, interpellé dans la matinée du 3 décembre, vivent désormais de sales moments à Libreville. Tony Ondo Mba, ex-ministre de l’Energie, et Noël Mboumba, ex-ministre du Pétrole ont également été cueillis le 3 décembre. Avant eux, Christian Patrichi Tanasa (ex-ADG de Gabon oil compagny), Ismaël Ondias Souna (ex-DG de la Société équatoriale des mines) et de Renaud Allogho Akoue (ex-DG de la Cnamgs) avaient été placés sous mandat de dépôt à la prison centrale de Libreville le 27 novembre. L’ancien directeur de la communication présidentielle, Ike Ngouoni, est quant à lui toujours en détention préventive à Libreville. L’opération de lutte contre la corruption et le blanchiment des capitaux en cours, n’a pas épargné le cercle familial de Brice Laccruche. Son frère Grégory Laccruche qui occupait les fonctions de maire d’Akanda, une commune où habite la bourgeoisie locale, a été interpellé depuis une semaine et serait toujours en détention préventive dans les locaux de la contre-ingérence. Sous l’orage, l’AJEV n’en veut « officiellement » pas à Ali Bongo qui termine sa convalescence après un accident vasculaire cérébral (AVC). Un malheur qui aurait donné des ailes à Brice Laccruche Alihanga.
L’AVC de tous les malheurs
Visiblement, l’AVC qui a frappé le président Ali Bongo en octobre 2018 est un moindre mal face à ce qui arrive à son directeur de cabinet de l’époque. L’apparente vacance du pouvoir ayant suivi ce malheureux épisode de la vie du président, a éveillé des vocations dans les esprits de certains membres du sérail.
Brice Laccruche Alihanga avait considérablement irrité une bonne partie des caciques du pouvoir en menant une tonitruante « tournée républicaine » dans tout le pays. Cette ambiance, « à chaque étape, des notables semblaient lui faire allégeance, son nom était scandé », d’après une source, semble avoir aiguisé des appétits du pouvoir suprême dans la tête de Brice Laccruche. Difficile dès lors de stopper la machine programmée à l’algorithme de conquête du pouvoir, l’état de santé du président présentant à ses yeux un facteur favorable. Brice Laccruche Alihanga commence par positionner les siens à des postes stratégiques pour créer un rideau de sécurité fiable autour de lui. Une alliance secrète aurait été signée à Angondje au Nord de Libreville en 2019, avec des partenaires à l’effet de renverser le président Ali Bongo Ondimba. Le regain de forme du président gabonais a coïncidé avec le climax de son directeur de cabinet. Face à une « locomotive » Laccruche bien huilée, Ali Bongo a opté pour un arrêt automatique en activant les instruments que lui confère la constitution. La suite est désormais connue de tous.