Abdelaziz Bouteflika, le président algérien qui n’avait plus été vu en public depuis 2016, vient de faire sa première apparition officielle.
Le vieux président a été vu à Alger, deux jours seulement après l’appel lancé par le secrétaire général du FLN (au pouvoir), demandant à monsieur Bouteflika de briguer un 5e mandat l’année prochaine.*
C’est l’une des apparitions publiques les plus médiatisées d’Algérie, sinon, la plus médiatisée du Maghreb en ce moment. Abdelaziz Bouteflika a été accueilli comme une rock star dans le centre d’Alger, la capitale algérienne. Pour célébrer le ‘‘retour’‘ du vieux chef d’Etat, des youyous (longs cris aigus et modulés poussés par les femmes d’Afrique du Nord) étaient entendus dans le centre-ville ce lundi.
Les chaînes de télévision ne se sont pas fait prier pour diffuser en boucle les images de liesse de la foule, célébrant son président. Mais l’homme est âgé et malade. A 81 ans, monsieur Bouteflika (qui avait été vu en public pour la dernière fois fin 2016) ne se déplace plus qu’en fauteuil roulant. Il avait été victime d’un AVC en 2013, qui lui avait valu un séjour à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce (France), un établissement parisien qui accueille régulièrement le nec plus ultra des personnalités françaises et étrangères.
Le chef de l’Etat algérien a tout de même salué ses compatriotes depuis la mosquée de Ketchaoua. Lui, se tenait sur le perron de la mosquée, tandis que la foule lui lançait des salutations depuis le contrebas, aux abords de la place des Martyrs. Le président algérien a même inauguré une station de métro flambant neuve à Aïn Naâdja, après avoir salué la foule.
Bouteflika candidat, ou pas candidat ?
Mais au-delà de la liesse que suscite l’apparition publique du numéro 1 algérien, une question taraude les esprits : Abdelaziz Bouteflika briguera-t-il un cinquième mandat à la tête de son pays ? La question prend tout son sens, si l’on se réfère à l’appel lancé ce samedi par Djamel Ould Abbès, le secrétaire général du FLN (Front de libération national, au pouvoir). Ce samedi, monsieur Ould Abbès appelait au nom ‘’ des 700 000 militants’‘ le président octogénaire à briguer un autre mandat en 2019.
Mais il ne faut pas faire d’amalgame ; pour l’heure, il ne s’agit pas d’une candidature du président algérien, qui ne s’est pas encore prononcé sur la question, n’ayant pour le moment déposé aucune candidature officielle. Précisions que Djamel Ould Abbès a laissé comme consigne aux militants du FLN d‘éviter le sujet.
Le secrétaire général du parti au pouvoir était pourtant à des années-lumières de Baha Eddine Tliba, le député FLN qui appelait ouvertement à une candidature de monsieur Bouteflika pour la prochaine présidentielle. En effet, en février dernier, Djamel Ould Abbès se prononçait sur le site internet Tout sur l’Algérie, marquant sa distance vis-à-vis du député, évitant d’appeler à la candidature de son patron.
Mais le secrétaire général du FLN semble désormais prendre les choses à coeur et en public, annonçant il y a quelques jours l’existence d’un ‘‘document sur les réalisations du Président Bouteflika de 1999 à 2019’‘. Il est suivi dans sa démarche par Abdelkader Messahel, le ministre algérien des Affaires étrangères, qui a célébré le bilan présidentiel de son champion.
Mais l’opposition, qui ne veut pas être dupe, voit les choses sous un autre angle. Pour Sofiane Djilali, secrétaire général du part Jil Jadid, l’apparition du président algérien et l’annonce du secrétaire général du FLN cachent mal une sourde guerre de succession au sein du plus vieux parti politique du pays.
Sofiane Djilali : ‘‘c’est un plan de communication pour s’assurer de conserver de l’autorité durant la dernière année de l’actuel mandat. Les remous sont nombreux, tant au sein du FLN, qui ajourne de manière répétée la réunion de son comité central, qu’à l’extérieur. Sans une annonce, les questions se bousculeraient sur le potentiel successeur…’‘
En d’autres termes, la sortie du président algérien et l’annonce de monsieur Ould Abbès font croire que tout va bien au sein du parti au pouvoir. Ce qui, pour l’opposition, n’est pas le cas.
Rodrigue Loué avec AGENCES